Andou rajouta :
- C’est lui l’intéressé, ce n’est pas moi. Il m’a dit qu’il
pouvait se procurer toutes les quantités.
L’homme était peut-être un grand démarcheur. Si tel était le
cas, ce serait une très belle prise. Shiiba savait déjà ce que ses supérieurs
lui diraient de faire. C’était toujours le même ordre : "pas de poursuite
active, observe juste." Il devait obéir aux ordres.
- Continue de le voir, mais ne le rends pas suspicieux, conseilla
Shiiba. Même s’il veut accélérer les négociations, toi, fais de ton mieux pour
les retarder.
- Entendu, répondit Andou.
Andou était un excellent S. Grâce à ses informations, la
police avait été en mesure de saisir une dizaine d’armes à feu et des centaines
de munitions. Cependant, les gros bonnets ne voulaient pas seulement saisir des
armes, mais aussi obtenir des informations sur les méthodes de livraison. Ainsi
dans ce genre de cas, la police agissait avec un LC ou une Enquête de Livraison
sous Contrôle.
La Livraison sous Contrôle était une méthode souvent utilisée
dans les enquêtes sur les trafics de drogues où la police ne faisait pas
d’arrestation en flagrance, mais sur la base d’observations suffisantes. En
permettant aux trafiquants de drogues de poursuivre leurs deals, elle découvrait
ainsi leur fournisseur et l’origine de la drogue. Si elle se contentait d’arrêter
le vendeur final, les intermédiaires s’en tiraient à bon compte et
l’organisation derrière le trafic se cachait jusqu’à ce que tout se calme. Entre
la police et les criminels, c’était toujours le jeu du chat et de la souris.
Le moment était maintenant propice pour un enquêteur de
terrain comme Shiiba d’employer une enquête LC. Dans le système policier
actuel, il était impératif de produire des résultats et c’était exactement dans
ce genre d’affaire qu’il avait de fortes chances d’en obtenir. Grâce à ses
efforts, de nombreuses armes à feu avaient été découvertes dans tout le pays. Ce
bilan positif plaisait à ses supérieurs. Ils lui réclamaient des chiffres et
pour les avoir, ils avaient même simulé des situations où les armes de son
propre S avaient été saisies.
Après plusieurs scandales résultant de ces enquêtes LC, la
police avait changé sa politique. Elle ne cherchait plus les armes individuelles,
mais se concentrait plutôt sur la découverte des grandes organisations derrière
les ventes. Ceci dit, le public exigeait toujours les mêmes statistiques que celles
des années précédentes. Or cette nouvelle approche affectait grandement les
statistiques. Les attaques à main armée augmentaient tandis que baissaient les
saisies d’armes. Cela était devenu un sujet de grave préoccupation pour la
police.
Du coup, maintenant, les enquêteurs avaient une double responsabilité :
continuer à augmenter le nombre de saisies d’armes tout en récoltant des
informations sur les organisations du crime de la pègre. Ces exigences
contradictoires mettaient d’incroyables pressions sur les enquêteurs de terrain.
Après leur entretien, Shiiba se leva. Il avait d’autres
informateurs à rencontrer. Andou était le seul enregistré auprès de la Police
Métropolitaine comme un S. Cela dit, dans cette société du crime, il y avait toujours
beaucoup de personnes prêtes à lâcher des informations en échange de quelques
billets.
Andou se dépêcha également de se lever et ouvrit la porte pour
Shiiba. Il le faisait toujours. Mais Shiiba trouva sa conduite bien étrange,
aujourd’hui. Il sentit qu’il cachait quelque chose derrière son obéissance.
- Je reviendrai. Appelle-moi, s’il y a du nouveau, dit-il.
- Oui. Merci pour l’information, répondit Andou.
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