Mo Ran ferma les yeux quelques instants. Sous ses paupières
closes, sa vie chaotique, pleine d’échecs et de victoires, remplie de hauts et
de bas défila comme les images d’un film que l’on regardait en accéléré. Lorsqu’il
déplia ses cils, il s’aperçut que trente-deux années s’étaient écoulées sans qu’il
s’en rende compte.
Il était désormais à un stade où ses flirts l’ennuyaient. Tout
avait perdu de sa saveur. Plus rien n’avait d’attrait à ses yeux.
Ces dernières années, les visages familiers qui l’entouraient avaient
disparu les uns après les autres. Il reconnaissait de moins en moins ceux qui le
servaient. Même ce chien à la marque d’une flamme l’avait quitté. Il sentait que
bientôt, ce serait à son tour de s’en aller. Le temps était venu de mettre un
terme à tout.
Près de lui se trouvait un bol de fruit. Il arracha un raisin
charnu de sa grappe et il se mit à peler sa peau lisse pourpre sans se hâter.
Ses gestes posés étaient raffinés, habiles, semblables à ceux d’un chef de
tribu dans sa tente qui retire de manière langoureuse, avec une certaine
indolence, les robes de sa concubine. Sous ses doigts, la chair satinée du raisin
frémissait légèrement et son jus suintait. Sa couleur d’un violet exquis était
aussi saisissante que les nuages dorés d’un ciel baigné par un magnifique coucher
de soleil dans lequel volaient des oiseaux sauvages, aussi vibrante que les
couleurs du haitang qui se rendort à la fin du printemps.
À moins qu’elle ne fût aussi frappante qu’une tache de sang
sur un drap blanc immaculé.
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